2 Août 2024
A la demande de quelques anciens, redif. de cet article...
En ce mois d'octobre 2020, les vendanges sont terminées, mais on en a rien vu, mis à part une machine, et encore si on se lève tôt !
Aucune odeur sur le village, aucun déchet de raisin sur la chaussée, rien de l'ambiance, de l'animation, de la gaîté qui marquaient les mois de septembre d'autrefois.
Après guerre (1945-1954), une fois les vendanges du village bouclées, une petite vingtaine de portiragnais, la quasi totalité des jeunes gens que comptait le village et deux ou trois familles avec les enfants qui bénéficiaient d'une dérogation scolaire « partaient à la montagne » pour quinze jours, trois semaines « faire les vendanges », qui étaient plus tardives dans l'Aude.
Monsieur Raymond Costa « le recruteur » local emmenait ses colles vers les villages d'Arquettes en Val, Servies, Montlaur et Rieux en Val .
Quand les portiragnais partaient vendanger à la montagne !
Le jour du départ , devant la mairie de Portiragnes, un car attendait au milieu d'un amoncellement de sacs et de valises ainsi que les criailleries des familles venues dire au revoir. Eh hop ! Paquets et valises étaient rangés sur le toit. Les parents qui ne partaient pas faisaient des recommandations à Raymond pour qu'il veille et prenne soin de leur progéniture. Tout ce petit monde s’engouffrait dans le car en riant comme s'ils partaient en vacances.
Dans le département de l'Aude au fur et à mesure de leur destination, les gens descendaient , le dernier village étant Rieux en Val.
La grange où nous devions vivre tous ensemble était plus que spartiate. Une grande pièce avec une table et des bancs. A l'étage « le pailler » à même le sol, des paillasses en toile de sac, bourrées de maïs séché. Toute la nuit au moindre mouvement de l'un ou de l'autre, que de craquements (et de rires). Pour les besoins, on allait dans les vignes environnantes. On cuisinait peu, on mangeait beaucoup de pain pour économiser, avec des sardines, des œufs, du fromage. Heureusement le pain était très bon en forme de grosse miche.
Carmen, Arlette, Rosette, Yolande, Jacqueline, Rosalie, Josiane et Pierrot le seul mec avec Raymond , Blanche et d'autres encore que j'ai oubliées , après avoir avalé un café nous partions au petit jour, vers les vignes, sur les collines pentues. Il faisait froid, nous avions les mains gelées. La boue alourdissait le seau en fer, rempli de raisins, qu'il fallait hisser dans la hotte du porteur.
Quand le soleil émergeait de derrière la montagne,l'ambiance redevenait joyeuse et donnait du cœur à l'ouvrage.
Raymond prenait très au sérieux son rôle de protecteur. C'était un petit bonhomme, assez menu,pince sans rire, mais qui nous faisait beaucoup rire, un très gentil Monsieur.
Le samedi soir,il acceptait de nous conduire au village voisin, au bal qui attirait tous les vendangeurs des environs. Au retour dans le nuit, nous devions passer devant le cimetière, nous nous accrochions toutes à Raymond qui poussait des hurlements qui nous remplissaient de terreur , mais ensuite qu'est qu'on riait.
Au bout des quinze jours la fatigue et le mal de reins se faisaient sentir, sans perdre notre bonne humeur, il nous tardait de rentrer chez nous à Portiragnes.
Le jour du retour une enveloppe bien gonflée de billets dans la poche, après des « au revoir chaleureux » aux propriétaires qui nous avaient employés , nous faisions en sens inverse, le chemin récupérant notre petit monde.
Au village le comité d'accueil nous attendait, c'était les embrassades, la joie de se revoir et de rire à n'en plus finir .
Aujourd'hui plus de soixante ans plus tard, on se souvient encore comme d'une période insouciante et heureuse... avec presque l'envie de repartir !
Josiane